Taznakht est sans conteste l’un des plus grands centres de tissage de tapis berbères au Maroc. Cette petite ville, peuplée de quelques milliers d’habitants, se situe au sud-est du pays, dans la région Drâa Tafilalet. Elle est accessible par route nationale depuis Agadir, Marrakech et Ouarzazate.
La modeste oasis s’est taillée au fil des siècles une solide réputation de capitale manufacturière et commerciale du tapis traditionnel amazigh. Mais pourquoi cette minuscule bourgade jouit-elle d’un si grand rayonnement international ? Et qu’est-ce qui fait du tapis berbère un objet déco et design aussi prisé ?
La population de Taznakht a jadis fait partie de la confédération des Ait-Ouaouzguite, une union constituée de plus de 20 tribus berbères éparpillées sur un large territoire allant d’Ighrem au nord jusqu’à Taznakht au sud, et d’Agdz à l’est jusqu’à Imlil à l’ouest. Une confédération connue dès l’époque des Almohades au 12ème siècle et qui sera même invoquée par Ibn Khaldoun dans l’un de ses écrits relatant l’histoire de l’Afrique du nord.
Les études archéologiques démontrent néanmoins que la région était peuplée depuis plusieurs dizaines de siècles puisque les hauteurs de la ville abritent des grottes dont l’occupation humaine remonterait à plus de 7.000 ans avant J.-C.
La position géographique de Taznakht a toujours été son principal atout puisque l’oasis a longtemps été un carrefour caravanier par lequel transitaient biens et marchandises, notamment le grain, les peaux, les dattes, la poterie, les bijoux, le sel, le sucre et le thé. Ses reliefs escarpés ont consolidé ses défenses face à d’éventuels envahisseurs, d’où la présence de plusieurs kasbahs, plus ou moins en bon état.
Le sol de Taznakht a également fait sa richesse grâce aux minerais extraits de la terre. Le cobalt de Bou Azzer et le marbre de Temgharghrine étant des exemples contemporains.
Les villages fertiles des environs ont permis l’émergence de plusieurs cultures dont l’amande, les fruits, les légumes et le safran, ainsi que le développement du pastoralisme avec l’élevage de chèvres et de moutons. Vous pouvez aujourd’hui encore déguster une chèvre grillée ou acheter un mouton fraîchement tondu dans le marché hebdomadaire de Souk Lakhmis. La laine étant généralement réservée à la fabrication des tapis emblématiques de la ville.
Le tapis de Taznakht est particulièrement prisé parce qu’il est tissé à la main et utilise une laine de qualité. Chaque tapis est un objet artisanal unique, particulièrement doux, et qui résiste aisément aux aléas du temps. Les pigments naturels utilisés pour le colorer augmentent sa durabilité et séduisent les puristes, les connaisseurs et les collectionneurs.
Ces œuvres d’art sont le fruit d’une tradition ancestrale transmise généralement de mère en fille et d’un savoir-faire perfectionné au fil des siècles.
Côté esthétique, les tapis sont ornés de motifs géométriques complexes et de couleurs vives, dont la signification varie en fonction de la tribu et de la région d’origine. Ces formes géométriques peuvent inclure des carrés, des triangles, des étoiles… afin de symboliser les éléments de la nature comme l’eau, le feu, la terre et l’air.
On y retrouve également des losanges qui représentent des portes ouvertes, des miroirs ou des pièges contre les mauvais esprits, et symbolisent la fécondité et le cycle de la vie. Les lignes en zigzags sont utilisées pour représenter les montagnes et les vagues, et métaphoriquement la succession de la vie et de la mort. Quant aux animaux, ils renvoient aux notions de protection, de force, de liberté et de fertilité à travers des représentations de lions, d’oiseaux, de chiens et de chameaux.
Le caractère traditionnel des tapis de Taznakht n’empêche pas la nouvelle génération d’artisans d’innover pour séduire une clientèle plus jeune et créer un engouement pour un produit pourtant classique. Ils n’hésitent plus à alterner entre teintes naturelles et couleurs modernes, quitte à utiliser des teintures plus vives et plus audacieuses et créer des tapis trendy. Ils incorporent également des motifs modernes comme les formes géométriques abstraites, les dessins en un seul train (One Line Drawing) et les images inspirées de la nature.
D’autres innovent au niveau de la matière utilisée et n’hésitent pas à ajouter à la laine du coton, du jute ou du cuir, pour créer de vraies pièces uniques. Ils peuvent même alterner entre travail à la main et machines modernes informatisées pour concevoir leurs tapis sur ordinateur avant de les reproduire avec des motifs plus complexes aux détails plus fins.
Les plus créatifs vont même jusqu’à sortir le tapis de Taznakht de son utilisation de base comme revêtement pour le sol et en faire des vestes, des jupes et des robes. Il peut également servir à créer des chaussures originales et élégantes, des sandales, des bottes et des chaussons, dont la partie supérieure est d’inspiration traditionnelle, tandis que la semelle utilise des matériaux plus modernes adaptés à la vie urbaine.
Enfin, les petites bourses investissent dans des coussins, de petits tapis de sol et des housses de couette inspirées du tapis de Taznakht pour un rendu unique qui ajoute texture et couleur à une pièce.
En mot, à chacun son tapis de Taznakht !
Crédits :
Trang Nguyen – Toa Heftiba – Raúl Cacho Oses – Katariina Valen – Samos Box
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